Suite à l’échec de l’application StopCovid (2,7 millions d’utilisateurs en 5 mois), le Gouvernement français, dans la continuité de sa stratégie « Tester – Alerter – Protéger » et pour inciter les français à utiliser ce dispositif massivement, a lancé le 22 octobre 2020 une nouvelle version de l’application de « contact tracing » rebaptisée TousAntiCovid.
Il ne s’agit pas d’une nouvelle application, mais seulement d’une mise à jour de la première. Tout comme son prédécesseur, ce nouvel outil a pour objectif de lutter contre la propagation du virus et de casser les chaînes de transmission.
À cet effet, l’application TousAntiCovid se veut plus interactive et est enrichie de nouvelles fonctionnalités.
Les nouveautés apportées par TousAntiCovid
Un accès facilité à l’attestation dérogatoire de déplacement
L’application permet aux utilisateurs de réaliser une attestation en quelques clics et génère un QR-Code à présenter aux forces de l’ordre en cas de contrôle.
Par ailleurs, les informations personnelles peuvent être enregistrées (si l’utilisateur le souhaite) afin d’éviter de devoir saisir à chaque nouvelle attestation ses informations de contact.
Ces données sont stockées uniquement sur le téléphone et peuvent être supprimées à tout moment par l’utilisateur.
Un accès à des informations en temps réel relatives à la situation épidémiologique en France
L’application comporte désormais un indicateur de tendance qui permet de mesurer le nombre de nouveaux cas positifs, le niveau de tension des capacités hospitalières en réanimation, le nombre de reproduction du virus, etc.
Ces informations sont mises à jour toutes les 24 heures.
Un accès aux données épidémiologiques par département
Ces informations sont disponibles après avoir saisi un code postal.
Un accès aux actualités en lien avec la lutte contre l’épidémie
Il est désormais possible de les partager facilement et de paramétrer leur notification.
Un accès à « DépistageCovid »
Cette fonctionnalité permet à l’utilisateur de disposer d’une carte des centres de dépistage actualisée avec des informations sur les temps d’attente.
Un accès à « MesConseilsCovid »
Ce service du Ministère de la Santé permet d’obtenir des conseils personnalisés en fonction de la situation de l’utilisateur.
De nouveaux paramètres de détection des cas contact
Suite à l’avis de l’Agence nationale de santé publique[1], un arrêté publié au Journal Officiel le samedi 28 novembre 2020[2] fixe les nouveaux critères de détection des cas contact.
Jusqu’alors, l’application TousAntiCovid ne repérait la présence d’une personne diagnostiquée positive au Covid-19 que si celle-ci se trouvait à moins d’un mètre durant au moins 15 minutes.
Ce système rendait la détection des cas contact peu fiable. Dans ce sens, des chercheurs ont affirmé qu’il était possible de contracter le virus en étant à proximité d’une personne malade pendant une durée inférieure à 15 minutes et à une distance plus éloignée, et d’avantage encore dans les espaces clos.
Désormais, l’application prend en compte les contacts entre deux utilisateurs se trouvant à moins d’un mètre pendant 5 minutes ainsi que les contacts allant jusqu’à 2 mètres pour une durée de 15 minutes.
Pour information, à ce jour, seulement 14 000 notifications de cas contact ont été envoyées. Ce changement devrait donc permettre à l’application d’intégrer davantage de situations à risque de contamination et par conséquent, augmenter le nombre d’alerte envoyé aux utilisateurs ainsi que l’efficacité de l’application dans sa lutte contre la Covid-19.
Qu’en est-il des données personnelles ?
Pour rappel, dans son avis publié le 26 avril 2020, la Commission Nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait estimé que l’application StopCovid était, dans son ensemble, conforme aux principes énoncés dans le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
En raison de l’absence de modification substantielle concernant le traitement des données personnelles, la CNIL ne s’est pas encore prononcée sur la nouvelle version de l’application TousAntiCovid. Elle a néanmoins affirmé qu’elle serait particulièrement vigilante en cas de nouvelles évolutions et que des contrôles seraient diligentés si nécessaire.
Toutefois, une partie de la population reste méfiante. En effet, le fonctionnement même de ce type d’application semble poser certaines difficultés quant à la protection des données personnelles des utilisateurs. Le but de cet outil étant d’identifier les personnes diagnostiquées positives ainsi que les personnes avec lesquelles elles ont été en contact, garantir l’anonymat paraît difficilement possible.
Le paramètre de confidentialité de l’application indique pourtant que les données ne sont partagées avec le Ministère des Solidarités et de la Santé seulement avec l’accord de l’utilisateur infecté et que « les personnes alertées n’auront aucune information sur le téléphone portable à l’origine de l’alerte ni sur son propriétaire. »
Par ailleurs, le Gouvernement affirme que l’application – fonctionnant sur le système Bluetooth – ne stocke que l’historique de proximité d’un téléphone mobile. Ces données sont conservées sur un serveur situé en France pendant 14 jours et peuvent être effacées à tout moment par l’utilisateur via l’application.
Les limites de l’application TousAntiCovid
Malgré plus de 10 millions de téléchargement depuis son lancement[3], ce nouveau dispositif présente certaines limites.
Tout d’abord, malgré les recommandations du Gouvernement (cf. le SMS du Gouvernement invitant les français à télécharger TousAntiCovid[4]), l’application reste basée sur le volontariat.
L’efficacité du traçage est donc limitée aux personnes qui utilisent l’application, sans compter les utilisateurs qui l’ont désinstallé[5], les personnes ne disposant pas d’un smartphone (dont les personnes âgées, alors même qu’elles font parties des individus les plus à risque) ou les utilisateurs ayant téléchargé l’application mais qui ne l’ont pas activé lors de leur déplacement.
L’application TousAntiCovid se heurte également aux limites du système Bluetooth.
En effet, le Bluetooth ne permet pas d’estimer avec suffisamment de précision la distance entre deux utilisateurs, augmentant ainsi les possibilités d’engendrer de fausses alertes.
Par ailleurs, pour fonctionner, l’application nécessite que le Bluetooth soit activé. Or, selon le téléphone utilisé, le Bluetooth peut entrainer une baisse plus ou moins rapide du niveau de la batterie.[6]
L’efficacité de l’application est donc subordonnée à l’autonomie du smartphone utilisé. Pour limiter cette baisse de batterie, il est conseillé d’activer l’application uniquement en cas de situation à risque (dans les transports en commun, les commerces, les salles de sport, en cas de contact avec des personnes extérieures à son foyer, etc.).
Enfin, contrairement aux applications des autres pays européens, TousAntiCovid n’est pas valable à l’étranger[7]. La France ayant opté pour un système centralisé, l’application française de lutte contre la Covid-19 ne pourra donc pas obtenir d’informations de la part des applications de traçage européennes[8].
Il est donc conseillé aux français qui se rendent à l’étranger, de télécharger l’application du pays visité.
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[1] Avis de l’Agence nationale de santé publique en date du 10 novembre 2020
[2] Arrêté du 27 novembre 2020 modifiant l’arrêté du 30 mai 2020 définissant les critères de distance et de durée du contact au regard du risque de contamination par le virus du covid-19 pour le fonctionnement du traitement de données dénommé « StopCovid »
[3] Ce chiffre inclus les téléchargements de StopCovid
[4] Pour information, l’article D-98-8-7 du code des postes et des communications électroniques (tel que modifié par le décret du 27 novembre 2020 n° 2020-1454) impose à l’opérateur de prendre « les mesures nécessaires pour transmettre à ses utilisateurs les messages d’alerte et d’information des pouvoirs publics destinés au public pour l’avertir de dangers imminents et atténuer les effets de catastrophes majeures ET pour atténuer les effets de la catastrophe sanitaire »
[5] Selon la Direction générale de la Santé, le nombre de désinstallation s’élève à 1,3 million
[6] Il convient néanmoins de préciser que l’application TousAntiCovid repose sur le Bluetooth Low Energy qui présente une consommation d’énergie 10 fois moindre que le Bluetooth usuel
[7] TousAntiCovid ne fonctionne à l’étranger qu’avec les utilisateurs ayant également installé l’application française
[8] Contrairement à ses voisins Allemands, Italiens et Irlandais qui ont déjà mis en place une « passerelle » d’interopérabilité entre leurs applications de traçage contre la propagation du coronavirus