Comme toutes les épidémies, la Covid-19 malmène la coopération internationale en matière de santé. Coopération multilatérale, elle apparaît pourtant plus que jamais nécessaire.
Depuis le milieu du XIXe siècle, l’essor des échanges internationaux a eu l’effet inattendu et redouté : la propagation des épidémies. Nécessaires à la sauvegarde de la santé publique des pays concernés, des mesures de quarantaine et de contrôles se multiplient, mais ralentissent le développement économique.
C’est pourquoi, la coopération internationale a commencé à réflechir et élaborer le Réglement sanitaire international (RSI).
- Mise en place du Règlement sanitaire international
- Focus sur le Règlement sanitaire international
- Système sanitaire international face à la Covid-19
- Evolution de la sécurité sanitaire
Mise en place du Règlement sanitaire international
Au XIXème siècle, le ministre français du Commerce avait été confronté au problème de propagation de la peste et en avait constaté un lien avec le commerce international, notamment maritime.
Une coopération internationale s’est donc avérée nécessaire. Vu les difficultés de restreindre ou de bloquer les échanges commerciaux et économiques mondiaux, lorsqu’une épidémie risque de se propager, il a été prévu de mettre en place et d’adopter des mesures sanitaires. Chacun des États avaient donc adopté des mesures sanitaires mais elles avaient pour défaut de porter inutilement atteinte au commerce, en entraînant des retards coûteux du fait de l’immobilisation des marchandises et de la destruction ou de la détérioration des cargaisons, car elles se sont révélées bien souvent anarchiques, arbitraires et excessives.
Pour harmoniser ces mesures aux effets délétères pour le commerce, douze représentants d’États européens se sont réunis à Paris en 1851. Les premières conférences sanitaires internationales ont été dominées par deux préoccupations majeures : l’une était d’écarter toute entrave au commerce et aux transports tandis que l’autre était d’assurer la défense de l’Europe contre les maladies « pestilentielles » d’origine étrangère.
C’est la création de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1948 qui consacre véritablement la prise en compte par les États de la santé de la population au niveau mondial et d’après le préambule de la constitution de l’OMS « les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leur peuple ». C’est ainsi qu’ont été adoptés les deux principaux textes normatifs en santé mondiale établis par l’OMS, dont le Règlement sanitaire international (RSI).
Mais c’est surtout en 2005 que la coopération internationale consacre le RSI, instrument juridique ambitieux et obligatoire pour ses 196 États parties. Instrument de droit international, le RSI a pour objet d’offrir un cadre aux pays en termes de riposte de santé publique face aux risques pandémiques.
En effet, il vise à « prévenir la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce international ».
Le RSI a un statut particulier puisqu’il est « la pierre angulaire de la sécurité sanitaire internationale pour lutter contre les maladie infectieuses ». Il est le seul instrument obligatoire de droit dérivé.
Focus sur le Règlement sanitaire international
Un regard sur l’histoire de la coopération sanitaire internationale est éclairant car il montre que la réaction à la pandémie de Covid-19 s’organise selon des paramètres qui n’ont pas été redéfinis depuis le milieu du XIXe siècle.
En effet, alors que la première conférence sanitaire internationale avait été montée pour parvenir à un « droit sanitaire commun », les États refusèrent finalement de ratifier la Convention parce que le Règlement qui y était annexé les assujettissait « à un système administratif uniforme ayant pour inconvénient grave de contrarier les habitudes propres à chaque pays ».
Ces réticences à l’harmonisation existent toujours aujourd’hui. À l’échelle de l’Union européenne, elles expliquent que la réponse aux maladies infectieuses continue de relever essentiellement de la compétence de chaque État membre, l’Union n’intervenant que pour « compléter les politiques nationales ».
Dans le cadre du RSI, ces réticences expliquent pourquoi les États n’ont pas souhaité conférer au Directeur général de l’OMS un pouvoir plus important que celui d’émettre des recommandations, article 15 du RSI, qui n’ont pas de caractère obligatoire et que les États peuvent compléter par des mesures sanitaires supplémentaires, que l’article 43 ne fait qu’encadrer sans les interdire.
Bien avant le début de la crise de la Covid-19 au printemps 2020, au moins deux conceptions de la sécurité sanitaire internationale s’affrontaient. Une grande partie des États européens, dont la France et des pays en développement défendent une approche multilatérale et globale de la santé publique : c’est-à-dire, un système de relations internationales qui privilégie les négociations, les engagements réciproques, les coopérations et accords dans le but d’instaurer des règles communes. Les États-Unis, quant à eux, portent depuis le début des années 2000 une conception plus sécuritaire de la santé.
Système sanitaire international face à la Covid-19
A première vue, l’émergence de la Covid-19 n’a fait qu’accentuer les divergences entre les États. L’approche multilatérale, qui a prouvé son importance en matière de santé depuis 150 ans, et le rôle central de l’OMS ont plus que jamais été remis en question.
Aussi n’est-il pas étonnant que la pandémie de la Covid-19 ait vu les États réagir en ordre dispersé, sans prendre le temps de la coordination et sans toujours accorder beaucoup d’attention aux recommandations du Directeur général de l’OMS.
Cependant, une chose a changé aujourd’hui : la mondialisation a placé les États dans une relation d’interdépendance, tant du point de vue économique que du point de vue sanitaire. Aussi le « pacte social sanitaire » inscrit dans le RSI de 2005 est indispensable.
Indispensable, parce que, comme prescrit à l’annexe 1 du RSI, chaque État doit protéger les autres en acquérant les capacités de surveillance, d’évaluation et de notification des événements sanitaires qui présentent un risque de propagation internationale. La pandémie de la Covid-19 devrait conduire les États à redoubler d’efforts, afin d’éviter le risque de mettre en péril la sécurité sanitaire dans la monde.
La pandémie de la Covid-19 ne met donc pas fin au multilatéralisme en matière de santé. La crise a donné l’occasion à plusieurs organisations et mécanismes informels de se relancer et d’explorer de nouveaux systèmes de coopération.
Il est également important de souligner que cette pandémie survient à un moment où le multilatéralisme ne peut plus être défini dans le cadre étroit des seuls États. En effet, depuis 2000, des acteurs non étatiques privés ont émergé, notamment dans le domaine de la santé.
La crise de la Covid-19, a pu accroître le rôle des acteurs non étatiques au regard des ressources financières et humaines limitées des États.
Evolution de la sécurité sanitaire
La pandémie de la Covid-19 offre une occasion de faire évoluer la sécurité sanitaire à l’échelle mondiale et de redynamiser le multilatéralisme.
Cette recherche de conciliation entre santé publique et liberté des échanges internationaux est à la base de toute la coopération sanitaire internationale depuis le XIXe siècle. Le RSI de 2005 ne poursuit pas d’autre objectif lorsqu’il indique en son article 2 que l’objet et la portée du Règlement « consistent à prévenir la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux ».
Cependant, ce pacte est particulièrement fragile, comme l’a révélé cette dernière pandémie, car il repose sur la confiance mutuelle. Dès lors, cette pandémie est peut-être le signal de ce qu’une partie de la solution est plus que jamais à rechercher du côté de la prévention.
Le comité d’urgence du RSI est depuis la pandémie de la Covid-19 plus actif et reprend des directions claires afin de faire évoluer le règlement. Lors de la dizième réunion du 13 janvier 2022, le comité d’urgence convoqué par le Directeur général de l’OMS au titre du RSI, a rappelé la demande d’assouplissement des interdictions de circulation internationale car elles n’apportent pas de valeur ajoutée et continuent de contribuer au stress économique et social subi par les États Parties. Il souhaite aussi combler les lacunes en matière de participation communautaire et de communication afin de résoudre les difficultés posées par l’information liée à la pandémie aux niveaux national et local.
Compte tenu de l’évolution rapide de la situation et afin de promouvoir la confiance et l’adhésion, les États Parties doivent expliquer de manière claire et transparente la raison d’être des changements de politiques, des mesures sociales et de santé publique, en vue d’équilibrer les risques et les avantages de ces changements.
Ainsi, la crise due à la Covid-19, a révélé l’utilité d’une coopération internationale multilatérale et solide, en matière sanitaire mondiale. Le RSI, outil de base pour l’élaboration de cette coopération, s’est réorganisé pour pouvoir agir mais surtout, pour éviter des conséquences importantes au sein des pays. Il est nécessaire de pouvoir fixer les conditions objectives et indispensables pour pouvoir prévenir d’éventuelles nouvelles pandémies.
Dans cette perspective, une réflexion d’ampleur sur le rapport à la nature semble s’imposer puisque les scientifiques expliquent que c’est à l’interface entre l’homme et l’environnement que surviennent les maladies émergentes. Cette réflexion devrait inclure une redéfinition de nos politiques d’urbanisation et de protection environnementale et activer une lutte efficace contre les changements climatiques.
La pandémie de la Covid-19 devrait inciter les États à s’engager dans cette voie.