Face à l’intensification du complotisme sous le Covid, le Président de la République a chargé Monsieur Gérald Bronner d’étudier les mécanismes de la désinformation en ligne et formuler des propositions pour tenter d’y remédier. Analyses et réflexions autour du rapport de la Commission Bronner intitulé « Les lumières à l’ère numérique », remis en janvier 2022.

  1. La propagation des discours complotistes sous le Covid
  2. L’analyse des mécanismes du complotisme
  3. Les moyens de lutte contre le complotisme

La propagation des discours complotistes sous le Covid

 

En France, l’apparition du Covid a été suivie de la montée en puissance d’un mouvement complotiste anti-vaccin, dont l’ampleur s’explique notamment par la mobilisation d’activistes en ligne.

On se rappelle ainsi de la diffusion en 2020 du documentaire « Hold up », lequel avait cristallisé sur Twitter une défiance anti-vaccin lors de l’annonce des essais cliniques du vaccin du laboratoire Pfizer.

Sur les réseaux sociaux, de très nombreux témoignages de malades diffusés dans les médias traditionnels ont également été la cible de raids numériques relayant le mythe « des acteurs en temps de crise », à savoir que ces témoignages seraient le fait de comédiens engagés pour crédibiliser les positions gouvernementales.

Au cours des années 2021 et 2022, les experts ont constaté l’évolution du mouvement complotiste, à travers de nouveaux espaces de communication.

La plateforme Spotify a ainsi été récemment mise en cause pour héberger le podcast aux 11 millions d’auditeurs de Joe Rogan, lequel aurait « découragé la vaccination chez les jeunes et […] poussé à l’utilisation d’un traitement non autorisé, l’ivermectine, contre le coronavirus  » .

Autre nouvel espace exploité : les « Spaces » sur Twitter, à savoir des salons audios en direct, qui diffuseraient chaque jour des heures de témoignages sur la question vaccinale sans qu’aucune contradiction ne soit apportée.

 

L’analyse des mécanismes du complotisme

 

C’est dans ce contexte que le Président de la République a demandé à Monsieur Gérald Bronner, sociologue, de présider une commission, chargée de mesurer l’impact d’Internet dans la vie des citoyens et de formuler des propositions pour lutter contre le complotisme.

A l’issue de ses travaux de recherche, la Commission a identifié les mécanismes en jeu dans les campagnes de désinformation.

Il apparaît ainsi que sur les réseaux sociaux, une exposition à un petit nombre de posts trompeurs suffirait à produire un effet négatif sur les individus.

A l’origine de ces comportements, la Commission pointe notamment un manque de connaissances mais également un « défaut de vigilance cognitive », soit un manque de vigilance et de réflexion à l’égard d’informations noyées dans des contenus de divertissement sur les réseaux sociaux.

Une pensée dite « analytique » et « réflexive » permettrait ainsi de combattre un traitement trop superficiel de l’information.

En outre, la configuration des réseaux sociaux incite à la recherche de « likes » au détriment du contenu. Le partage et la répétition des messages favorisent ainsi la diffusion d’informations sans vérifications de leurs sources.

Enfin, la défiance à l’égard des médias traditionnels et des institutions conditionnerait la recherche de sources d’informations « alternatives » et de grilles de lecture susceptibles de donner un sens aux sentiments de stigmatisation ou de déclassement.

    Les moyens de lutte contre le complotisme

     

    Au terme de son rapport, la Commission Bronner a formulé 30 recommandations pour lutter au mieux contre la désinformation.

    Parmi ces recommandations, on retiendra qu’elle encourage le financement de la recherche sur la désinformation en ligne, trop peu d’études étant menées en France à l’inverse des Etats Unis.

    Elle invite également les acteurs du numérique à repenser la régulation des plateformes numériques, notamment quant à leur contenu conçu pour retenir l’attention des utilisateurs et survaloriser les contenus viraux.

    A ce titre, elle émet le souhait d’un dialogue plus étroit entre les plateformes et la communauté scientifique pour refléter l’état des connaissances.

    La Commission plaide enfin pour la mise en place de nouvelles sanctions juridiques.

    Si elle conseille de conserver la rédaction actuelle de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sanctionnant la diffusion de fausses nouvelles, elle considère opportun d’ouvrir le droit d’action aux associations.

    Pour compléter la répression des abus de la liberté d’expression, la Commission sort du cadre de la loi sur la presse pour se placer sur le terrain de la responsabilité civile. Elle recommande de compléter la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) par un article engageant la responsabilité civile des « diffuseurs » de mauvaise foi d’une nouvelle préjudiciable et de prendre en compte la viralité de la diffusion ainsi que la popularité numérique de son auteur pour évaluer le préjudice subi.

    Gageons que les travaux de cette Commission permettent à chacun de se libérer « des bulles de filtre« , selon le vœux du Président de la République.

     

     

     

     

     

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