Avec le taux de surpopulation carcérale alarmant que connaît la France, l’apparition du Covid a inévitablement empiré les conditions de détention. Si des mesures ont pu être prises au début de la crise sanitaire en 2020, le taux de surpopulation a de nouveau atteint celui d’avant la pandémie. En janvier 2022, le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté a dénoncé l’absence de toutes mesures gouvernementales dans le contexte de la cinquième vague.

    1. La surpopulation carcérale : un « mal chronique français »
    2. Les mesures éphémères du premier confinement
    3. Reprise épidémique et absence de mesures gouvernementales

La surpopulation carcérale : un « mal chronique français »

En France, le principe de l’encellulement individuel a été consacré par la loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales.

L’article 716 du Code de procédure pénale, issu de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, dispose quant à lui que :

« Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :

1° Si les intéressés en font la demande ;

2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls ;

3° S’ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent. »

L’application de ce principe a cependant été sans cesse différé, du fait du taux d’occupation exponentiel des établissements pénitentiaires.

L’Observatoire International des Prisons désigne la surpopulation carcérale comme le « mal chronique » des prisons françaises, lequel se concentre principalement sur les maisons d’arrêt.

Au terme de son arrêt J.M.B. ET AUTRES rendu le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a d’ailleurs sévèrement condamné la France pour ses conditions de détention.

Saisie par 32 requérants des conditions de détention de centres pénitentiaires et maisons d’arrêt français, la Cour a notamment considéré que ces établissements n’offraient pas des conditions de détention décentes et constaté l’existence d’un problème structurel des prisons françaises du fait du taux d’occupation.

Dans ces conditions, la Cour a ainsi recommandé à la France d’envisager « l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention, et établir un recours préventif effectif ».

Les mesures éphémères du premier confinement

 

Dans le cadre de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire, les pouvoirs publics se sont empressés de prendre des mesures en urgence pour tenter de réduire la surpopulation carcérale.

C’est ainsi que l’ordonnance n° 2020-303 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été adoptée le 25 mars 2020.

Elle prévoyait notamment la création d’une assignation à domicile de fin de peine, permettant ainsi la libération anticipée de détenus condamnés à moins de cinq ans d’emprisonnement et dont le reliquat de peine était inférieur à deux mois.

Avec cette mesure, le ministère de la Justice misait sur la libération d’environ cinq mille personnes détenues.

L’Observatoire International des prisons a dénoncé le manque d’ambition de ce dispositif, dont l’objectif était, selon lui, encore trop insuffisant « notamment pour garantir l’encellulement individuel, seul à même d’assurer des conditions dignes de confinement en détention. Pour y parvenir, c’est plus de 17 000 détenus qu’il faudrait libérer, de l’aveu même du ministère de la Justice ».

Sous l’effet de cette mesure, on a néanmoins pu constater que le taux d’occupation des établissements pénitentiaires français est passé sous la barre des 100 %.

Reprise épidémique et absence de mesures gouvernementales

 

Les statistiques des personnes écrouées en France au 1er décembre 2021 communiquées par le Ministère de la Justice ont cependant révélé que depuis juin 2020, le taux de surpopulation carcérale a progressivement augmenté pour revenir à celui d’avant la pandémie.

Les 62.935 détenus au 1er décembre 2020 sont ainsi devenus 69.992 au 1er décembre 2021.

    (Courbes d’évolution mensuelle des personnes écrouées et détenues Effectifs actualisés au 1 décembre 2021 – Source : Ministère de la Justice / DAP / SA / SDEX / EX3 – Traitement Infocentre pénitentiaire Gide Genesis – In Statistiques des personnes écrouées et détenues au 1er décembre 2021)

    Trente-six établissements affichent désormais une densité supérieure à 150 % et certains dépassent même les 200 %, comme le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

    Dans un communiqué du 13 janvier 2022, le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté s’est alarmé de l’absence de mesures annoncées en faveur des établissements pénitentiaires, dans le contexte de la propagation du variant Omicron, plaidant pour les mises en place de mécanismes pérennes de régulation carcérale.

    Il a également pointé le risque de contagion accru dans un tel contexte de promiscuité, aggravé par la surpopulation carcérale.

    Ce communiqué insiste également sur le taux de vaccination dans les prisons, lequel est encore bien inférieur au taux général :

    « début décembre 2021, 57,6% des détenus avaient reçu au moins une dose contre 77,6% des « libres » ».

    En ce début d’année 2022, les clusters, tant au sein des détenus que du personnel, n’ont cessé de se multiplier dans les prisons françaises.

    Alors que le nombre de contaminations repart à la hausse, gageons que les recommandations du CGLPL soient enfin entendues.

     

     

     

     

     

     

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