L’article 1219 nouveau du Code civil prévoit une alternative. A défaut de pouvoir invoquer la force majeure ou l’imprévision, le cocontractant peut soulever une exception d’inexécution. Autrement dit, « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».
La situation de crise sanitaire peut justifier que le cocontractant suspende l’exécution de son obligation tant que l’autre partie cocontractante n’a pas exécuté la sienne, à condition toutefois que l’inexécution soit suffisamment grave.
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Le caractère grave de l’inexécution est apprécié au cas par cas par les juges ; il n’y a aucun critère d’appréciation dans le Code civil auquel se référer. Mais cette gravité doit pouvoir être appréciée de manière objective par rapport à l’obligation. L’obligation visée par cette disposition est une obligation essentielle et son inexécution doit entraîner de réelles conséquences graves pour le cocontractant. Il revient donc au créancier de l’obligation inexécutée de bien analyser la situation avant de s’abstenir à exécuter son obligation.
Prenons l’exemple d’un bail commercial. Pendant la période de confinement et du fait des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire, tous les commerces non vitaux ont dû mettre la clé sous la porte de manière temporaire. Dans ce cas, on ne peut pas reprocher au bailleur de ne pas avoir rempli son obligation essentielle et caractéristique : la mise à disposition des locaux. Cette situation ne pourrait donc pas justifier que le preneur ne remplisse pas son obligation réciproque de paiement des loyers pendant la période de crise sanitaire. En cas de litige, le juge aura le pouvoir souverain d’apprécier le caractère suffisamment grave ou non de l’inexécution de l’obligation litigieuse.
Par ailleurs, une autre voie a été introduit dans le Code civil par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 : il est possible désormais à une partie de ne pas exécuter son obligation « dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle » (article 1220 nouveau du Code civil). On pourra remarquer qu’il faut qu’il y ait de fortes chances que l’obligation ne soit pas exécutée à l’échéance. Il doit donc s’agir d’une évidence dans l’inexécution et non d’une simple éventualité. En outre, pour être valable, l’exception d’inexécution doit être notifiée dans les meilleurs délais au cocontractant.
Le recours à l’exception d’inexécution a l’avantage de ne pas suspendre le contrat mais simplement l’obligation de la partie qui l’invoque. Le contrat reste valable et n’est donc pas anéanti. Contrairement à la force majeure et à l’imprévision, il n’y a aucune obligation de recourir au juge.
Cependant, la meilleure solution reste sans aucun doute la renégociation du contrat par les parties afin de préserver la relation commerciale, à condition toutefois que la bonne foi soit au rendez-vous.
AG
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