Le COVID-19 n’a pas eu pour effet de suspendre les obligations à la charge de l’employeur, mais plutôt de les mettre à l’épreuve.

Le risque épidémique dans le code du travail.

La prise en compte du risque d’épidémie à la charge de l’employeur n’est pourtant pas nouvelle. Le législateur a en effet prévu dès 2012 la possibilité du recours au télétravail en cas de « menace épidémique » afin de permettre la continuité de l’activité et de garantir la protection des salariés (art.1222-11 du code du travail).

Il convient toutefois de noter que les modalités du télétravail « exceptionnel » auraient dues être précisées par un décret pris en Conseil d’État. La régularisation a finalement abouti à la suppression de toutes précisions complémentaires par l’article 21 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, laissant ainsi à l’employeur le soin « d’imaginer » les modalités d’une mise en place unilatérale du télétravail dans des conditions urgentes. Cette tâche pourra toutefois s’avérer difficile en l’absence d’accords, ou de chartes ou encore de clauses contractuelles préalablement négociées et acceptées.

Les mesures d’urgences.

Du fait de l’état d’urgence sanitaire, l’État français s’est doté d’un certain nombre de décrets et arrêtés (et même une loi).

Ainsi, l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus COVID-19 impose la fermeture de tous « les lieux accueillant du public non indispensable à la vie de la Nation » (cinéma, écoles, restaurants etc) et laisse donc ouvertes a contrario toutes les autres entreprises.

Les décrets n°2020-260 du 16 mars 2020 et n° 2020-293 du 23 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID-19 permettent les déplacements à titre professionnels pour les « activités ne pouvant pas être différées » et non comme on aurait pu s’y attendre les « activités ne permettant pas de télétravailler».

L’article 2 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 apporte une précision importante en prévoyant que : « les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. ».

Dès lors, l’employeur, qui n’a pas été contraint de fermer, ne peut rester inactif face à l’épidémie au Coronavirus. Une inaction d’autant moins envisageable, que l’employeur reste soumis à des obligations légales en matière de santé et de sécurité au travail prévues aux articles L.4121-1 et suivants du code du travail.

La constante obligation de sécurité.

L’obligation de sécurité est une des obligations majeures en droit du travail. Sa violation peut être durement sanctionnée (rupture de contrat, nullité de règlement intérieur voire même par la suspension des activités d’entreprise).

Faute d’analyser le risque épidémique dans le document unique d’évaluation des risques en application des articles L.4121-3 et R.4121-1 du code du travail, de mener une véritable politique de prévention sans omettre la consultation et l’information des institutions représentatives du personnel (permise par l’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 avec des réunions par visioconférence, l’audioconférence et même la messagerie instantanée), toute entreprise prend le risque d’une condamnation.

Négligeant ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail, AMAZON vient d’en faire une amère expérience. Par un arrêt rendu le 24 avril 2020 (RG n°20/00503), la Cour d’appel de Versailles vient ainsi d’ordonner au géant américain de procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de COVID-19 sur l’ensemble de ses entrepôts et dans l’attente de la mise en œuvre de ces mesures, de restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules opérations de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes des produits High tech, d’hygiène et d’alimentation (y compris pour animaux). Précisons que les juges ont également prononcé une astreinte de l’ordre de 100.000€ pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés, pendant une durée maximale d’un mois.
A bon entendeur…

La réparation des dommages liés aux COVID-19.

La réalisation du risque épidémique, soit la contamination et ses suites, est de nature à engager la responsabilité de l’employeur en réparation, en l’absence de toute prévention ou analyse des risques.

En premier lieu, toute contamination en temps et lieu de travail est susceptible d’être reconnue maladie professionnelle (exemple avec une hépatite B : Cour de cassation, Chambre sociale, 22 Juillet 1993 – n° 91-14 223).

En second lieu, une fois reconnu le caractère professionnel de la pathologie, la question de la faute inexcusable de l’employeur peut d’autant plus se poser que les juges considèrent que « le manquement à l’obligation de sécurité a le caractère de faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038).

Il est indifférent que la faute commise par l’employeur ait été la cause déterminante du dommage, il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire (Cass soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412  Cass. soc., 4 avr. 2012, n° 11-10.570).

L’employeur ne peut vraisemblablement alléguer une absence de conscience du danger lié au COVID-19.

Le COVID-19 passe…les droits et obligations demeurent !

Par Dark Law.

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