La propagation du coronavirus a eu un retentissement international, obligeant les différents états à prendre chacun des règles d’exceptions dans une temporalité restreinte pour endiguer cette crise. La France a pour cela mis en place l’état d’urgence sanitaire.
La mise en œuvre de la période d’exception
L’Etat d’urgence sanitaire a été instauré par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, se fondant sur les articles L3131-12 et suivants du Code de la santé publique qui permettent une telle période en cas de « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ».
Cette situation particulière permet d’établir, temporairement, un cadre de mesures destinées à limiter l’étendue des risques sanitaires. Déclaré par décret en conseil des ministres pour une durée maximale d’un mois, l’urgence sanitaire peut être étendue par la loi après avis du conseil scientifique. La nomination de ce conseil, composé de dix experts issus de domaines complémentaires accompagne les différentes mesures amenées à s’appliquer. Son rôle est de rendre un avis sur la gestion sanitaire décidée par le Gouvernement
Plusieurs règles ont été notamment été établies :
- La restriction des sorties de domicile sans autorisation (mise en place du confinement encadré par les attestations prévoyant les motifs impérieux de sorties) ;
- Des limitations de déplacements (interdiction totale puis règle des cent kilomètres et interdiction de déplacement entre régions) ;
- Limitation de la liberté d’entreprendre, qui a conduit l’intégralité des établissements (restaurants, bars, musées, mais aussi les établissement scolaires) à devoir fermer soudainement pour éviter les situations de rassemblement ;
- Fermeture des frontières (cette mesure a été appliquée par plusieurs pays comme l’Allemagne ou l’Italie) ;
- Conséquences sur l’organisation judiciaire (prolongation des gardes à vues sans présentation à un juge, dématérialisation des procédures).
La première période d’urgence a été prorogée par un projet de loi n°2020-546 du 11 mai jusqu’au 10 juillet 2020. Le Conseil d’Etat a rendu son avis au Gouvernement le 04 mai et posé des exigences de proportionnalité entre les restrictions apportées et les libertés mise en causes. Le projet a prévu six mesures (dont la prorogation et la création d’un système d’informations dans l’objectif de lutter contre la propagation de l’épidémie).
Avec le début du déconfinement d’autres règles sont venues s’ajouter comme l’obligation de port des masques dans les transports en commun, des distances de sécurité à respecter dans les écoles et dans les restaurants. Celles-ci accompagnent les assouplissements de circulation et de réouvertures dans les zones où l’évolution de la pandémie est favorable.
La levée de l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes par le Conseil d’Etat
Pour empêcher le développement de clusters, l’interdiction générale et absolue des rassemblements de plus de dix personnes dans les lieux publics a été établie. Celle-ci devait perdurer avec la deuxième phase du déconfinement qui a permis la reconquête des espaces publics. Touchant à tous les rassemblements elle s’applique aux enterrements, festivals, mais aussi aux manifestations.
Le Conseil d’Etat a été saisi en référé par crainte que cette mesure n’entrave au-delà du nécessaire la liberté de réunion organisée pour exprimer collectivement des opinions sur la voie publique, qui sont soumises à déclaration préalable. Ce droit est reconnu par le Conseil constitutionnel (18 janvier 1985 décision n°94-351).
Le Conseil D’Etat a levé cette interdiction prévue dans le cadre de l’urgence sanitaire, estimant que « l’interdiction de manifester n’est pas justifiée lorsque les mesures barrières peuvent être respectées ». Elle ne représente pas une atteinte nécessaire, adaptée et proportionnée pour garantir la santé publique face au risque de contagion de la Covid-19. L’organisation de ces manifestations reste toutefois soumise à déclaration préalable et peuvent toujours être interdite en cas de trouble à l’ordre public ou de risque sanitaire. La tenue de ces rassemblements est par conséquent soumise au respect des gestes barrières.
Prenant acte de cet arrêt, le Gouvernement a pris un décret en date du 14 juin 2020 n°2020-724 pour basculer du régime déclaratif à un régime d’autorisation préfectorale des manifestations.
La fin programmée de l’état d’urgence
Renouvelé une fois, l’état d’urgence doit s’arrêter au 10 juillet 2020. L’évolution de l’épidémie offre des conditions satisfaisantes en France pour assurer la sortie de la situation d’exception. Sortie qu’il faut toutefois nuancer. Certaines dispositions vont entrer pour une durée déterminée dans le droit commun. Cette période de transition progressive prendra la forme d’un projet de loi n° 3077 qui sera présenté au Parlement, et se limitera à une durée de quatre mois.
Ces mesures devraient concerner principalement les mesures de distanciation physique comme les gestes barrières, les déplacements, les distances imposées aux bars et restaurants entre les tables ou encore les moyens de dépistage et de prévention. Le projet de loi de sortie de l’état d’urgence sanitaire a été présenté en conseil des ministres. Il s’articule autour de deux articles : l’établissement d’un régime de sortie pendant quatre mois (jusque novembre) pour maintenir une veille sur l’évolution sur le territoire du virus et prévenir sa résurgence, ainsi que la prolongation de la durée de conservation de certaines données collectées dans la lutte contre le coronavirus.
Dans ce cadre, il sera possible au Premier ministre de réglementer la circulation des individus et des véhicules ainsi que l’accès aux transports en commun, de mettre en œuvre des fermetures provisoires d’établissements. Ces restrictions s’appliquent en outre aux rassemblements sur la voie publique ou tout autre type de réunion.
Le Conseil d’Etat estime que les garanties apportées par cette période, qui doit être strictement limitée dans le temps, sont à même de « sortir de manière prudente, graduée, et contrôlée » de l’état d’urgence. Il devra y être mis fin sans délai une fois dès qu’elles ne seront plus nécessaires. Des garde-fous sont posés pour les libertés, le juge administratif garantissant, s’il en est saisi, la nécessité et la proportionnalité des mesures sanitaires prises.
Il est à noter que Jacques Toubon, le Défenseur des droits, dont le mandat prend fin cette année, a rendu une « synthèse urgence sanitaire » sur l’état des droits et libertés pendant cette période d’exception. Cette synthèse concerne les services publics, les droits de la défense, des détenus, des enfants. Il vise aussi à alerter sur les discriminations, les violences qualifiées d’invisibles qui se sont accentuées en raison du confinement, la situation des personnes présentant des handicaps, et le besoin d’un contrôle parlementaire renforcée sur les textes pris au nom de l’état d’urgence sanitaire pour garantir aux citoyens une protection face aux mesures arbitraires et disproportionnées.
La sortie totale de la période d’urgence devrait donc être progressive lors des prochains moins pour s’adapter à l’évolution globale de l’épidémie. Il sera nécessaire de garder un œil sur les règles qui s’inscriront dans la durée pour prévenir de nouveaux risques.
A B
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