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Il ne fait guère de doutes que peu de gens ont imaginé la survenance et les conséquences planétaires de la COVID-19 lors des vœux de la bonne année 2020 !
A défaut d’une bonne année, la bonne nouvelle pourrait venir de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations qui a inséré la théorie de l’imprévision en droit civil par l’article 1195 du code civil.
Cet article dispose : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreusepour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe».
L’alinéa premier soumet donc la prise en compte de l’imprévision à un certain nombre de conditions :
- Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat.
Ce point ne saurait poser de difficultés pour les contrats antérieurs au 12 mars 2020, date de l’allocution présidentielle, de la réunion du Conseil scientifique à l’Elysée mais surtout date retenue pour la prorogation des délais par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.
- L’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.
L’exécution excessivement onéreuse sera sans doute analysée in concreto et dépendra de l’impact réel tant de la covid-19 (atteinte directe du cocontractant) que des conséquences du confinement (l’exemple topique étant l’exécution d’un bail commercial sachant comme l’a relevé Jean-Pierre Mignot que « Ce n’est pas le locataire qui paie le loyer, ce sont ses clients » (in BLATTER Jean-Pierre, Le bail, la COVID-19 et le schizophrène, AJDJ avril 2020).
L’acceptation d’assumer le risque inclue quant à lui une exclusion de nature contractuelle toujours possible et qui aura pour conséquence de neutraliser l’application de l’article 1195 du code civil.
- La renégociation
Dans une conception régulatrice des relations économiques, les contrats demeurent bien l’affaire des parties. Toutefois, la portée de l’imprévision semble réduite si on considère que la renégociation n’a pas pour effet de suspendre l’exécution d’obligations quand bien même excessives. L’imprévision clive ainsi entre adaptation aux difficultés et sécurisation des contrats conclus.
L’alinéa 2 promet toutefois de pouvoir surmonter l’échec d’une phase de renégociation (d’ailleurs bien incertaine quant à sa durée) par l’intervention du juge qui peut « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ». La rétroactivité du jugement pourrait se révéler salutaire (mais pour qui ?) à condition que la partie en difficulté survive non de la COVID-19 mais bien au temps judiciaire…
DL
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