S’il est un domaine sur lequel la COVID-19 a eu d’importantes répercussions c’est le droit du travail. Il a été nécessaire de mettre en place rapidement de nouvelles mesures et d’ajuster des normes afin de protéger la santé des salariés et de préserver l’activité des entreprises.
L’épidémie de COVID-19 a mis en lumière deux mécanismes particuliers en la matière à savoir une extension du recours à l’activité partielle (Partie 1) et le télétravail (Partie 2).
La notion
De quoi s’agit-il ? Les articles L.5122-1 et suivants du Code du travail sont relatifs à l’activité partielle. Il est nécessaire d’y faire appel « lorsqu’une entreprise réduit son activité au-dessous de l’horaire légal ou arrête momentanément tout ou partie de son activité et qu’elle n’entend pas rompre les contrats de travail qui la lient à ses salariés ».
L’article R.5122-1 du Code du travail évoque quant à lui les circonstances dans lesquelles l’employeur peut formuler cette demande. Le recours à l’activité partielle est envisageable en raison de : la conjoncture économique, des difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie, un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel, la transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ou toute autre circonstance de caractère exceptionnel.
Ces motifs suggèrent une idée de « contrainte » face à laquelle une entreprise peut se trouver confrontée que celle-ci soit interne ou externe. Pour toutes ces raisons, le contrat de travail peut se trouver suspendu et les salaires réduits. L’épidémie de COVID-19 entre dans la catégorie « toute autre circonstance de caractère exceptionnel » bien qu’il ne soit pas fait mention expresse du cas de l’épidémie.
Face à celle-ci, il a été nécessaire de procéder à des modifications pour rendre le mécanisme de l’activité partielle plus attrayant et en faciliter son utilisation. C’est dans cette optique que le Gouvernement a adopté diverses réglementations comme par exemple, une loi du 17 juin 2020 qui a instauré le dispositif spécifique d’activité partielle de longue durée dit « APLD ».
Adaptations effectuées en raison de la COVID-19
La mise en activité partielle est décrite comme une mesure à caractère unilatéral et provisoire.
Toutes les entreprises peuvent être concernées par cette mesure et notamment lorsque leur activité « implique l’accueil du public et est interrompue, partiellement ou totalement » (Ordonnance n° 2020-1255 du 14 octobre 2020).
Tous les salariés peuvent également être concernés par cette mesure à l’exclusion des indépendants. Cependant, l’employeur peut décider de ne placer qu’une partie seulement des salariés de l’entreprise (ou de l’établissement, du service ou de l’atelier) y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle en activité partielle. Il est aussi possible de leur appliquer une répartition des heures travaillées différente mais seulement lorsque l’individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise de l’activité (Article 10 ter ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020). Pour y procéder il faut toutefois obtenir un accord d’entreprise, d’établissement, de convention ou de branche ou un avis favorable du CSE ou du conseil d’entreprise.
Le décret du 10 novembre 2020 (n°2020-1365) a étendu le dispositif d’activité partielle aux salariés vulnérables qui pourraient développer des formes graves de COVID-19. Ces derniers doivent présenter un certificat d’isolement du médecin à leur employeur.
Parmi ces personnes vulnérables on trouve par exemple : les personnes âgées de 65 ans et plus, ou des personnes qui ont des antécédents cardiovasculaires, du diabète, une pathologie chronique respiratoire, insuffisance rénale etc. et c’est également le cas des personnes atteintes d’une immunodépression congénitale ou acquise. Pour pouvoir en bénéficier il faut en plus de ne pas pouvoir recourir totalement au télétravail, ne pas pouvoir bénéficier de certaines mesures de protection renforcées.
Pour mettre en œuvre le mécanisme de l’activité partielle, il est nécessaire d’avoir une autorisation qui se trouve le plus souvent délivrée par la DIRRECTE, autorité compétente en la matière. L’autorisation peut être délivrée de deux façons : expresse ou, après 15 jours de manière tacite. Le décret du 25 mars 2020 avait réduit temporairement en son article 2 III ce délai à 2 jours. Depuis le 1er octobre 2020, ce délai est de nouveau de 15 jours (Décret n° 2020-1188 du 29 septembre 2020).
Par principe le recours au chômage partiel doit faire l’objet d’une consultation du CSE lorsque ce dernier existe. Toutefois, là encore le décret du 25 mars 2020 a permis de n’effectuer cette consultation qu’après la mise en application de l’activité partielle.
L’article R.5122-9 fixe normalement l’autorisation d’activité partielle pour une durée maximum de 6 mois. Le décret du 25 mars 2020 l’a portée à 12 mois. De nouvelles modifications seront encore apportées au 1er janvier 2021 par le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020.
L’article R.1222-6 indique que l’activité partielle est limitée à un contingent annuel d’heures indemnisables fixé en tenant compte de la situation économique. Cette limite ne peut être dépassée que dans des cas exceptionnels résultant de la situation de l’entreprise. Cette limite est en principe fixée à 1000 heures par an. L’arrêté du 31 mars 2020 porte ce plafond à 1607 heures pour l’année 2020.
Avec l’activité partielle, le salarié doit toucher une indemnisation dite « allocation horaire » qui se calcule selon les heures chômées. Jusqu’au 1er juin 2020, il fallait respecter un taux égal à au moins 70% de la rémunération brute du salarié dans la limite de 4,5 fois le SMIC. Le plancher horaire avait été fixé à 8.03€. Depuis le 1er juin 2020, ce taux de 70% est passé à 60% mais cette modification ne concerne pas toutes les professions (Décret n° 2020-810 du 29 juin 2020, décret n° 2020-1123 du 10 septembre 2020).
Risques et sanctions
Le recours massif à l’activité partielle n’est pas sans risque pour autant. Des employeurs mal intentionnés peuvent y voir une aubaine et faire un usage frauduleux de ce mécanisme. Cet usage frauduleux peut prendre plusieurs formes mais les plus importantes consistent à demander à un salarié placé en activité partielle de travailler (ou télétravailler) pendant les heures chômées ou de réclamer – intentionnellement – une indemnisation des montants des salaires supérieure à ce qui devrait être dû. Des sanctions de nature pénale et civile sont encourues dans ces cas-là.
En effet, selon l’article L.5124-1 du Code du travail, la demande frauduleuse d’indemnisation fait encourir une peine de 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. Il est à noter que cette demande d’indemnisation frauduleuse peut être qualifiée d’escroquerie en présence de manœuvres frauduleuses. Dans ce cas, une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000€ d’amende sera encourue.
Le travail dissimulé quant à lui est réprimé par les articles L.8221-1 et suivants du Code du travail d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.
S’il s’agit d’une personne morale le montant de l’amende sera le quintuple de celle prévue pour une personne physique.
L’employeur devra alors rembourser les sommes perçues au titre de l’activité partielle et l’article L.8272-1 du Code du travail peut interdire l’employeur de bénéficier d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle pendant 5 ans.
François BARBÉ, Jonathan CADOT, Lucie CONSTANT, Jean-Benoît COTTIN, Aurélia DEJEAN DE LA BATIE, Rémy FAVRE, Marijke GRANIER-GUILLEMARRE, Clément JOTTREAU, Delphine JULIEN-PATURLE, Florence LEFRANÇOIS, Corinne METZGER, Clotilde SAVATIER, Marie-Charlotte TUAL, Hakim ZIANE, « Partie 1 le Comité Social et Économique, Titre 4 Attributions communes à tous les CSE, Chapitre 19 : Coronavirus/Covid-19 et rôle du CSE, 778 – Activité partielle et APLD liées à l’épidémie de Covid-19 », Le Lamy Droit des représentants du personnel, novembre 2020, [en ligne],
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Agnès VIOTTOLO, « Fraudes à l’activité partielle : attention, danger ! », Les Cahiers du DRH, n°277, juillet 2020, [en ligne],
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« Chômage partiel – Définitions », dans INSEE, [en ligne],
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Articles L.5122-1 à L.5122-5 Code du travail
Articles R.5122-1 à R.5122-26 Code du travail
Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020
Décret du 25 mars 2020 n°2020-325, décret n°2020-810 du 28 juin 2020, décret n°2020-1123 du 10 septembre 2020, décret n°2020-1188 du 29 septembre 2020, décret n°2020-1316 du 30 octobre 2020, décret n°2020-1365 du 10 novembre 2020
Ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020, ordonnance n°2020-1255 du 14 octobre 2020